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Par Ségolène Forgar.
Elle passe sa vie entre Dubaï et Paris. À 48 ans, Emma Sawko est une femme d’affaires avertie (et reconvertie). Ancienne publicitaire et mère de trois enfants, elle lance dès 2012 le concept-store design « Comptoir 102 » aux Émirats arabes unis. Le succès est immédiat. En 2015, elle créé l’enseigne « Wild and The Moon », un repaire healthy, cette fois-ci en plein cœur de Paris. Nouveau carton ! Le concept « green », vegan, no glu et no plastic séduit à tel point qu’elle ouvre, en l’espace de deux ans, une dizaine de restaurants à travers la capitale. Rencontre d’une business-woman écolo.
ELLE.fr. Vous étiez publicitaire et vous êtes aujourd’hui à la tête d’un empire de la « slow and healthy food ». Comment prend-on un tel virage ?
Emma Sawko. Cela s’est fait assez naturellement. Après avoir travaillé une dizaine d’années en tant que directrice artistique dans l’agence publicitaire DDB, j’ai eu la chance de pouvoir prendre un break dans ma carrière quand mon mari Hervé – banquier d’affaires – a été muté à New-York. En partant vivre là-bas, je n’avais pas trouvé ma raison d’être professionnelle mais j’ai profité pour la première fois de mes trois enfants. A New-York, j’ai adopté un nouveau mode de vie : je vivais dans les bars à jus, je faisais beaucoup de sport ou j’allais à des sorties culturelles. J’ai aussi découvert, même si je le savais déjà, le pouvoir qu’a l’alimentation sur la santé. Et puisque je ne sais pas rester sans rien faire, j’ai décidé de monter un concept-store pour enfants. Démarrer un nouveau projet professionnel me démangeait. Mais je n’avais pas du tout envie de repartir dans la publicité. Quand on a goûté à la liberté, il est difficile de retravailler dans une entreprise avec des horaires.
ELLE.fr. Pourtant, le projet que vous montez à New-York ne verra jamais le jour...
Emma Sawko. Non. La veille de signer le bail de mon concept-store, mon mari me dit : « Ne signe pas. On déménage à Dubaï. » À ce moment, le monde s’écroule autour de moi. Je n’ai pas du tout envie de partir vivre à Dubaï. C’est une ville que je n’aime pas, qui ne me ressemble pas, très loin des codes que j’avais pu connaître auparavant. La première année aux Émirats arabes unis est difficile. Et puis, pour éviter de sombrer dans la dépression – ce qui ne me ressemblait pas –, je décide finalement de monter un nouveau projet : un concept-store qui mêle cette fois-ci la mode, les bijoux et le design, en plus de l’ouverture d’une cantine bio. L’idée était de lancer quelque chose qui n’existait pas dans la région. Et puis, le bio me manquait. À Dubaï, c’est plutôt l’empire de la junk food qui règne. C’était un pari risqué. Certains me disaient : « Cela ne marchera jamais ! Comment veux-tu faire pousser des légumes en plein désert ? » Mais, heureusement, je me suis écoutée.
ELLE.fr. Et là, votre mari vous annonce qu’il a été muté. Cette fois-ci, à Paris.
Emma Sawko. Hé oui, incroyable mais vrai. La veille de la signature du bail, Hervé m’annonce que nous rentrons à Paris. Mais là, je ne le suis pas. Mon projet était trop avancé dans ma tête, alors je fais le choix de rester avec mes enfants à Dubaï, dans cette ville que je n’aime pas. J’ai bien fait car dès son ouverture en décembre 2012, mon concept-store « Comptoir 102 » connaît un succès fulgurant. « Comptoir 102 » devient une adresse de référence dans la région et reçoit plusieurs récompenses : le Prix Harper’s Bazaar pour le design et What’s On Award du meilleur restaurant bio.
ELLE.fr. Comment réagit votre entourage quand vous annoncez que vous lancez un concept-store et une cantine bio à Dubaï ?
Emma Sawko. Mes proches, comme mon mari, me soutiennent. Tout le monde avait bien compris que j’irai de toute manière jusqu’au bout. J’étais très déterminée. Je ne me souviens d’ailleurs pas que quelqu’un m’ait freiné.
ELLE.fr. À qui avez-vous demandé de l’aide pour franchir ce cap ?
Emma Sawko. Sur le plan financier, j’ai eu de la chance. Mon mari et moi avions bien gagné durant des années et avions mis de l’argent de côté. Cela a été un très gros accélérateur et c’est évidemment plus facile de démarrer dans ces conditions. Et puis, j’ai eu la chance de développer ce concept-store dans cette région du monde car il y avait un réel besoin. Beaucoup d’énergie s’est créée autour de ce projet. A New-York, la donne aurait sans doute été différente. Je suis très reconnaissance de mes années de vie à Dubaï, même si au démarrage c’était un peu chaotique. Il y a toujours des embûches et quand il y a des entraves, il ne faut jamais perdre de vue son projet. Moi, je me suis rattachée à « Comptoir 102 » comme à une bouée de sauvetage.
ELLE.fr. Êtes-vous préparée au succès vertigineux de « Comptoir 102 » ?
Emma Sawko. Non mais heureusement, je ne suis alors pas seule dans l’aventure. J’ai une associée. Cela a été déterminant. Même si nous nous sommes aujourd’hui séparées – nous n’avions pas la même vision –, sentir que vous n’êtes pas seule et que quelqu’un d'autre que vous peut prendre le relais est très important. Surtout dans les moments de découragement ou de doute.
ELLE.fr. Et puis, en 2015, vous avez eu l’idée de créer des restaurants bio à Paris : c’est le début de « Wild and The Moon ». Pourquoi ?
Emma Sawko. Cela faisait six ans que je vivais à Dubaï. Entre temps, mon mari a démissionné pour s’associer avec moi. Sur place, je m’étais créé une vie que j’aimais : mon concept-store, ma maison à proximité de la plage, ma famille. Toutefois, je voulais rentrer en Europe et que mes enfants soient européens, après des années aux États-Unis et aux Émirats arabes unis. Et quitte à revenir, autant monter un nouveau projet en France. À New-York, j’ai passé beaucoup de temps dans les bars à jus et j’ai remarqué que ce concept manquait à Paris, comme à Dubaï. De là, est né « Wild and The Moon ».
ELLE.fr. Qu’est-ce qui vous a semblé le plus difficile dans la création d’entreprise ?
Emma Sawko. Gérer la croissance. Avec « Wild and The Moon », le succès a été immédiat. À tel point que c’était parfois un peu vertigineux. Quand on monte une boîte, il y a des milliards d’ajustements auxquels on n’est pas forcément préparés. Notre erreur a sans doute été de développer la marque sur deux fronts : à Paris et à Dubaï. Au démarrage, le rythme de travail a vraiment été dingue. Il y en avait dans tous les sens. En même temps, il fallait réussir à structurer l’entreprise et trouver les gens qui vont nous accompagner pour continuer à avancer. Avec le recul, c’est une erreur qui finit super bien mais je ne recommande pas.
ELLE.fr. Aviez-vous peur d’échouer, avant de vous lancer ?
Emma Sawko. Bien sûr. Je me suis posée des milliards de questions. Un jour, quelqu’un m’a dit : « Ok, il y a un risque et alors ? » Il avait raison.
ELLE.fr. Qu’est-ce qui est le plus fun dans votre quotidien aujourd’hui ?
Emma Sawko. Pouvoir décider de faire ce que j’aime. Pour ma part, j’adore tout ce qui touche de près ou de loin à la création. Imaginer de nouvelles recettes, un logo, le nom des jus ou encore un lieu en terme d’architecture... C’est cela qui m’éclate et que je sais faire. De son côté, mon mari – qui a quitté son poste pour devenir mon associé – gère la finance. Un troisième associé gère la restauration. On a trouvé un très bon équilibre, avec trois piliers aux compétences différentes.
ELLE.fr. Vous vous êtes payée rapidement ?
Emma Sawko. Oui très vite. Pour « Comptoir 102 », ce que j’ai investi a été remboursé en l’espace d’un an. Quant à « Wild and The Moon », on s’est payés dès notre levée de fonds en mars 2017 durant laquelle on a réussi à obtenir plus de 4 millions d’euros. Ce qui explique d’ailleurs notre croissance rapide et l’ouverture de plusieurs restaurants.
ELLE.fr. Quelles sont les erreurs à éviter lorsque l’on se reconvertit ?
Emma Sawko. Le risque est peut-être de s’éparpiller et de trop écouter les autres. Les erreurs dépendent aussi des chemins que l’on décide de prendre.
ELLE.fr. Comment vous projetez-vous dans 5 ou 10 ans ?
Emma Sawko. Je ne me projette pas. Je vis plutôt au jour le jour, en tout cas j’essaie. Mon rêve serait de démocratiser la marque « Wild and the Moon », et d’en faire le « Starbucks du bio ». C’est bien sûr très ambitieux. D’ici là, qui sait, on se sera peut-être essoufflés. Actuellement, on prépare pour septembre l’ouverture d’un restaurant, place du marché St-Honoré à Paris. Et à partir de 2019, on aimerait mettre en place des franchises.
ELLE.fr. A quoi ressemble votre journée type ?
Emma Sawko. Je n’ai pas vraiment de journée-type mais j’essaie d’avoir une petite discipline. Autrement, le travail empièterait sur tout. Tous les matins, de 7 à 8 heures, je fais du sport. Je prépare ensuite le petit-déjeuner de mes enfants, je leur prépare des smoothies à base de lait végétal. Puis, je pars travailler et je rentre vers 20 heures.
ELLE.fr. Un dernier conseil pour réussir sa reconversion...
Emma Sawko. Ne pas avoir peur de prendre des risques et oser sortir de sa zone de confort. Ce n’est pas toujours facile. Moi-même, j’ai eu des moments de doute vraiment difficiles mais c’est comme cela qu’on y arrive.